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Mamadou Aliou Keita dit Njo Lea

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Son surnom vient du célèbre joueur camerounais. Né en 1952, Mamadou Aliou, comme tous les autres enfants de son quartier, commença à jouer très tôt au foot ; il se fait remarquer par un avant centre dont la Guinée parle encore, Ibrahima Kandia Diallo (Anthony) qui fut la terreur des défenses ; Kandia le protège et l’appui pour jouer dans le kaloum star et dans l’équipe du 3ème arrondissement.

C’est l’élève et le maitre.

Ismaël Sylla Eusobe dit « c’est dommage que vous n’ayez pas vu Kandia jouer, Njo Lea avait toutes ces qualités » et la femme de Kandia d’ajouter « c’est le petit de mon mari, c’est lui qui l’a formé » ; pour Jimmy Camara « Njo Lea était la copie conforme de Kandia ». Tout le monde est unanime la dessus.

En 1970, Kandia est en fin de carrière et la Guinée manque cruellement d’avant centre type ; à la même époque, des jeunes joueurs notamment Papa Camara, Ismaël Sylla, Ousmane Bangoura, Mamadou Aliou et tant d’autres de l’équipe espoir, sont envoyés pour une formation en Hongrie.

De retour, Mamadou Aliou est remarqué par les entraineurs hongrois, il est incorporé avec Papa Camara, Ismaël Eusobe etc. Dans le Hafia et l’équipe nationale.

Mamadou Aliou va jouer la finale de 1972 à Conakry, il marquera deux buts.

C’est après cette première victoire sur les Simba (Lions) de Kampala avec le terrible Wandera, que Mamadou Aliou sera titulaire à part entière du Hafia et de l’équipe nationale.

Njo Lea va devenir la terreur des défenses et le cauchemar des gardiens de buts.

D’abord par son sens du placement ; que le centre vienne de la gauche ou de la droite, Njo Léa est toujours au second poteau pour une reprise ; bon de la tête et des deux pieds, vous imaginez bien le résultat.

Ensuite, il avait un coup de pied terrible ; des frappes des deux pieds d’une adresse diabolique ; s’ajoute à cela la rapidité ; Mamadou Aliou pouvait en pleine course frapper des deux pieds à la surprise des gardiens de buts.

Et enfin, la recherche de l’espace ; à la moindre petite espace, Njo Lea s’y engouffrait et il était servi par un des meilleurs milieux que l’Afrique ait connu : Papa Camara, Mory Koné, Ismael Sylla, Thiam Ousmane Tolo.

Avec Bangaly Sylla sur le coté gauche, les automatismes étaient si bien travaillés à l’entrainement, qu’ils savaient exactement où trouver ce renard des surfaces de réparations.

Ismaël Sylla Eusobe dit « Njo ne ratait pas des occasions ; sur dix, il pouvait en marquer huit » ; eh oui, la signature du buteur type.

Le public guinéen était aux anges et il égrenait comme un chapelet, les réalisations de son avant centre fétiche ; jusqu’en cette année maudite de 1976.

En 1976 donc, le Hafia est en finale encore une fois, de la coupe d’Afrique des clubs champions contre le Mouloudia d’Alger ; à Conakry, les guinéens l’emportent par trois buts à zéro ; pour beaucoup de supporters, le retour ne sera qu’une formalité mais le Dieu du football ne le voit pas ainsi et à la surprise générale, les algériens l’emportent aux tirs aux buts.

Le retour à Conakry se fait dans la tristesse ; le lendemain, un communiqué radio diffusé, convoque les joueurs à une réunion au palais du peuple.

Les héros malheureux se présentent et des jeeps militaires viennent les chercher pour la présidence ; dans le bureau du président, ils reçoivent des feuilles pour que chacun écrive le compte rendu de la finale perdue.

Que le grand gardien Bernard Sylla, spécialiste des tirs aux buts n’arrête pas des pénaltys ou que le grand goleador Mamadou Aliou ne marque pas de but, cela est suspect ; certains parlent même de complot ; alors ces deux vont prendre le pot cassé.

Ils sont emprisonnés au Camp Boiro et après quatre ou cinq mois, Njo Léa sera libéré ; mais son séjour carcéral lui a fait prendre du poids qu’il ne parviendra jamais à s’en défaire. Le renard des surfaces ne sera plus le même jusqu’à la retraite.

Entre 1972 et 1976, Njo Léa sera le meilleur avant centre guinéen et à une époque, l’un des meilleurs sinon le meilleur de l’Afrique.

A une coupe Cabral, il marqua quatorze buts et prendra le titre de Monsieur but ; exactement celui de son maitre Ibrahima Kandia Diallo.

Retraité du football mais toujours fonctionnaire au Ministère de Mines, Njo Lea habite dans une maison de l’Etat jusqu’au changement de régime.

Sous le règne du Général Lansana Conté, cette maison de l’Etat est vendue à une militante du PUP (Parti de l’Unité et du Progrès) au pouvoir et sans préavis, cette Dame décide de récupérer son bien.

Alors, un jour, Njo Léa vient trouver le toit de la maison enlevé et ses affaires dehors ; c’est le choc ; il case sa famille, cherche une place pour ses affaires et file chez Ismaël Sylla Eusobe, en vacance à Conakry.

Pendant une semaine, il y habitera ne voulant aller chez personne d’autre ; pour des raisons inavouées, il n’eu pas beaucoup support.

C’est son ami Antonio Souaré de guinée games, qui l’aidera enfin, à trouver un logement.

Le chagrin et l’amertume le rongent ; il est souvent dans le bureau d’Antonio ou chez son mécanicien ; il se méfie de tout le monde.

Sa santé se détériore au point que Antonio et Eusobe décident de l’envoyer se reposer à Paris ; Antonio lui paye le billet.

C’est dans cette semaine que Mamadou Aliou Keita tira sa révérence, en 2004.

Nous lui avons décerné une médaille à titre posthume, pauvre consolation c’est vrai ; pour dire qu’il y a tant d’hommes et de femmes dans tous les domaines, qui ont beaucoup apporté au pays et qui n’ont aucune reconnaissance ou un soutien ne serait que moral.

Certains sont partis dans la misère et d’autres vivent aujourd’hui dans une galère et un oubli total.

Jimmy Camara dit « La Guinée pleurera pendant longtemps Njo Lea et nous mettrons du temps avant de trouver un avant centre de ce type » et Eusobe d’ajouter «il rigolait toujours ; je ne l’ai jamais vu fâché sur le terrain et en dehors du terrain. » avec une vibration dans sa voix ; l’on ressent la profondeur de leur amitié.

Je ne peux pas terminer ce texte sans remercier Ismaël Sylla Eusobe qui fut ma source indispensable.

C’était là un hommage à un joueur de qualité qui fit rêver les amateurs du ballon rond et qui fut emporté par le chagrin.

Paul Théa

Nb : photo de Mamadou Aliou et la plaque sur sa tombe au cimetière de cameroun à Conakry.

Njo Lea et la plaque sur sa tombe.

Le clip sur le Hafia : http://www.youtube.com/watch?v=bgnTnBv04mE


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Paul THEA

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