Manana Cissé des Ballets africains

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Je dois avouer que je ne connaissais pas cette belle Dame Djankanké ; je l’ai rencontrée pour la première fois lors de la remise des médailles aux joueurs du Hafia ; connaissant peu les Ballets africains, ce sont des noms comme Italo Zambo, Hamidou Bangoura, Jeanne Macauley et peu d’autres qui m’étaient familiers.Sa gentillesse et sa douceur m’ont énormément marqué lors de son interview.

Voici alors brièvement le parcours d’une grande artiste.

Tout commence par la visite du maire Sékou Touré à Boké et pour cette occasion, les différents quartiers de la ville, à tour de rôle, présentent des danses folkloriques au stade de football.

Le spectacle est éblouissant, Sékou Touré est impressionné, il confie alors au député Moustapha Camara son intention de former plus tard un ballet national et donc de recruter des danseurs à Boké et surtout de lui réserver ces deux petites en pointant du doigt Ami yorè ( la petite Amie) et Manana.

Le député lui fait remarquer que Manana est la fille de l’imam, le porte-parole de la ville ; la question est de savoir s’il acceptera mais Sékou Touré insiste et demande de passer le message de sa part.

En 1959, la Guinée indépendante, Sékou Touré est maintenant président, Fodéba Keita (fondateur des Ballets africains) ministre et les Ballets africains sont à la disposition de la Guinée ; ainsi, une équipe se rend à Boké pour recruter des artistes ; elle a déjà sur sa liste les noms des deux petites filles qui ne passeront pas l’audition.

Il y avait beaucoup de filles djankakés danseuses mais leurs parents ne voulaient pas les laisser partir ; certains parents seront même trimballés et menacés d’emprisonnement au Pont de fer, la prison du coin.

Finalement cinq personnes (Ketou, Naba Camara, Blikissa Diallo, Sonkhona Diong et Manana) seront retenues et ils quittent Boké le jour de la venue de Keita Keira, nouveau gouverneur.

C’est le 12 février 1959 que Manana arriva à Conakry à 19h ; elle et ses compagnons sont d’abord logés à la permanence nationale et mangent au bar Alpha ; ensuite, ils sont logés au bâtiment de l’Agrima à la gare routière de Matam. A cette époque, il n’y avait aucune maison à Matam. Les artistes venaient de toutes les régions de la Guinée.

Les prédécesseurs de Manana sont Bakary Cissoko, Siro N’Diaye, Fanta Kamissoko, Anna Mansaré, Manfila Kanté le frère de Fassely Kanté le directeur, etc.

Les garçons sont logés à l’étage et les filles au rez-de-chaussée ; une discipline stricte ; les filles subissaient un contrôle médical pour savoir celles qui sont vierges ou pas, chez Mme Loffo. Aucune sortie n’était permise.

Kossa Bonama et par la suite Tibou Tounkara était le responsable du conseil national de la JRDA (jeunesse du rassemblement démocratique africain), qui sera par la suite le haut conseil avant de devenir le Ministère de la jeunesse dirigée par Jean Faragué Tounkara.

Réveil à 5h du matin pour une culture physique jusqu’à 10h ; petit déjeuner et repos d’une heure ; ensuite répétition jusqu’à 14h ; repas, un autre repos d’une heure et une autre répétition jusqu’à minuit ; repas et dodo.

Fodéba Keita, Diané Lansana, Ismaël Touré, Kanfory Bangoura et d’autres responsables assistent aux répétitions.

Aux heures de repas, des tables sont dressées ; Diané Lansana et Fodéba Keita entre autres, sont là pour apprendre aux artistes comment se tenir à table et utiliser des fourchettes ; le motif était que les Ballets vont représenter le pays alors des journalistes feront attention à tout sur scène et en dehors de la scène.

Le rythme est infernal, Manana et quelques copines, commencent alors à pleurer constamment, parfois même à se faire malades ; ce qui nécessite une visite médicale chez Mme Loffo chargée des soins.

Manana va effectuer sa première sortie avec les Ballets au Maroc, en Egypte et en Tunisie avant de retourner en Guinée ; deux mois après, ce sera en Bulgarie, en Suisse pour enfin passer sept mois aux USA jusqu’à fin 1960.

Après le Nouvel-An 1961, les Ballets africains retournent à Conakry à 16h, et à 17h on leur annonce la naissance de Mohamed Touré le fils du président.

Les tournées s’enchainent, elles durent deux ans, deux ans et demi, voire même trois ans ; Manana et ses amis les trouvent longues, leurs familles leur manquent et, de retour, les artistes disent au président que leur responsable est un contre-révolutionnaire qui les a vendus aux blancs ; c’est pour cela qu’il ne les laisse pas rentrer au pays.

Finalement la décision sera prise de limiter la durée des tournées à six mois.

Manana dit « en 1963, le président Sékou Touré nous a trouvés aux USA, il devait faire un discours aux Nations Unies, il fut le premier président noir à y parler ; nous étions cinq personnes déléguées pour y assister ; ensuite, nous lui avons rendu visite à son lieu de résidence. Nous avons manifesté notre désir de retourner en Guinée ; il nous a dit que nous sommes les premiers soldats de notre pays, chargés de le faire connaître à travers le monde ; alors de prendre courage et de continuer.

Nous avons travaillé pour la révolution et pour chaque travail fait, nous avons été félicités et cela était plus que le milliard. »

Cet article pour rendre hommage à cette grande artiste que j’ai eu du plaisir à rencontrer.


Paul Théa


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Manana au Palais du peuple après l’interview et dans le rôle de Sogolon la mère de Soundiata


Note personnelle : le documentaire sur les Ballets africains sera prêt d’ici la fin de ce mois et ce que l’on peut retenir des interviews, est que ces artistes ont énormément apporté à la Guinée et qu’aujourd’hui, ils n’ont ni la reconnaissance, ni le soutien du gouvernement pour continuer à faire tourner les Ballets. Voici d’ailleurs, le témoignage de Hamidou Bangoura : http://www.youtube.com/watch?v=tIPgNukBqpE

Paul THEA

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