La Menace Donzos

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Mardi  27 Septembre dernier et  les jours qui suivront la marche pacifique violemment réprimée de l’opposition. Un peu partout à Conakry et aux alentours, les Donzos ces chasseurs traditionnels ancestraux qu’on  rencontre en temps normal dans les hameaux reculés de Haute-Guinée, à l’accoutrement biscornu assorti de peaux de bêtes, de gris-gris difformes, de bouts de miroirs et autres objets innommables  en tout genre pendant sur leur tunique de féticheur, paradaient sans complexe aux cotés de l’armée guinéenne.

Ce n’était nullement là  une exotique  procession culturelle ou une quelconque célébration rituelle  dans le Baro.

Le décor parait insolite mais ces fameux chasseurs Donzos ou Donssokès, derniers représentants  d’une culture multiséculaire phagocytée par l’envahissante modernité, tenaient à être là au nom d’une mission clairement définie. Celle de  prêter main forte aux soudards de l’armée guinéenne dans la répression brutale de la marche pacifique  de  l’opposition.

Ainsi, des jours durant, dans un tandem macabre des coalisés de la mort, armée guinéenne et Donzos  feront régner la terreur  dans Conakry et aux environs. Wanindara, Bambeto, Enta  ainsi que plusieurs quartiers réputés favorables à l’opposition, quartiers majoritairement habités par les Peuhls, ont subi les foudres de la horde des sans foi ni loi.

Les Donzos d’AC : une milice privée opaque

Mis en avant à l’occasion des événements du 27 septembre dernier comme pour officialiser leur présence, le rôle des Donzos en tant qu’hommes de mains D’AC n’est pas à contester. Leur accointance ne daterait cependant pas d’hier. Mais Il n’en demeure pas moins que les Donzos d’AC restent une nébuleuse opaque qui suscite moult débats et controverses.

Selon le journal guinéen l’observateur « à chaque meeting du RPG, on les voit en groupe agitant des queues d’animaux morts sur la foule dansant ou exécutant des rituels étranges qui impressionnent les faibles esprits. Qu’ils soient munis ou non de pouvoir magiques, les Donzos sont craints. (…)  Dans l’entre deux tour de la présidentielle de 2010, l’on a vu [les Donzos]  jouer un rôle de plus en plus envahissant dans les mouvements politiques. C’est la confrérie de Donzos, des hommes à l’apparence baroque, censés posséder des pouvoirs magiques redoutables et naturellement acquis à la cause du RPG, le parti d’Alpha Condé » «Légende ou vérité, ils ne sont pas des enfants de cœur. C’est le moins qu’on puisse dire.
En ville comme en brousse ils sont affublés de gris- gris et armés de fusils de chasse et d’armes blanches parfois empoisonnées »

Pour l’opposition,  les Donzos ne sont rien moins que des « rebelles (Burkinabès ? Libériens ? Léonais ? Ivoiriens ? ) déguisés ». Il faut rappeler que les multiples foyers de tensions (Liberia, Sierra-Leone, Guinée-Bissau, Côte d’Ivoire)  qu’a connus l’Afrique de l’Ouest à partir de la dernière décennie du 20eme siècle et  dont certains se sont à peine calmés représentent un vivier favorable au recrutement de mercenaires rodés à la guerre. Le désœuvrement dans ces ex-pays en guerre aidant.

Outre, l’appui de  militaires Burkinabés à AC n’est  point  un mystère .Tout ceci n’est pas pour éclairer le mystère Donzos…

La  seule certitude est qu’AC s’est doté  d’une milice privée à sa solde  au frais de l’Etat guinéen  et au mépris du droit constitutionnel de protection du Président de la république et de l’intégrité territoriale  par l’armée républicaine.

L’option Donzos  semble  par ailleurs bien conforme au projet d’Etat ethnique d’AC d’une part et d’autre part, refléter son  dessein de tailler à sa mesure, sous prétexte de reforme,  l’armée qu’il ne maitrise que trop et dont l’allégeance est incontournable dans la longévité des Présidents africains souvent très contestés.

Quelle coexistence avec l’armée régulière ?

De fortes interrogations et  inquiétudes en suspens entourent ce que certains appellent déjà ‘’l’armée traditionnelle’’ ou encore ‘’l’armée de l’empire’’. AC fera-t-il de ses Donzos à lui sa garde prétorienne ? Ou un nouveau corps à part entière des forces armées ? Ou est-ce que  les donzos se cantonneront-ils  à leur fonction d’« armée parallèle » au risque de voir se développer une véritable  armée dans l’armée? De quel œil, dans ce cas,
l’armée guinéenne  verra –t-elle sa consœur- concurrente ? Et inversement.

Par ricochet,  AC imprime ainsi  une logique de force à la politique guinéenne qui pourrait faire des émules.

L’immixtion, qui probablement ira croissante à l’avenir, des Donzos dans la sphère sécuritaire est une nouvelle donne à prendre désormais en compte dans  la géopolitique guinéenne.

A tout peser, les Donzos constituent une sérieuse menace pour la paix sociale fragile et la  sécurité nationale. Et dans le temps, une bombe à retardement que nous lègue AC.

Oury Baldé

Oury Baldé

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